Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), qui a notamment pour mission «d’évaluer le système d’assurance maladie et ses évolutions», a estimé nécessaire d’engager un travail en profondeur sur ce que pourraient être les bons indicateurs de suivi de notre système d’assurance maladie. Son travail de «juste diagnostic» débute par une réflexion sur les indicateurs d’accessibilité financière des soins, notamment de celui des restes à charge (RAC). Il met en avant les difficultés d’interprétation des données de santé pour la compréhension générale du fonctionnement du système de santé.
L’HCAAM analyse dans son étude (1) les indicateurs de financement du système de soins, dont elle estime « qu’ils ne peuvent pas convenablement rendre compte de la façon dont le système fonctionne effectivement pour les usagers ». Elle constate ainsi que la croissance continue de la dépense de santé individuelle a été très largement accompagnée par le système de remboursement de l’assurance-maladie obligatoire.
Au sein de ce dernier, la Sécurité sociale prend en charge en 2009 75,5 % de la consommation de soins et de biens médicaux des Français, l’assurance complémentaire 13,8 %, la part des restes à charge (RAC) des ménages s’élevant à 9,4 % et celle de l’Etat (CMU) et des collectivités locales à 1,3 %. Entre 1995 et 2009, la part du reste à charge dans le revenu disponible des ménages est ainsi passée d’environ 2,9 % à un peu plus de 3,3%.
En valeur, ce RAC est passé de 217 euros à 547 euros par personne et par an entre 1980 et 2008 (2). « En dix ans, le RAC après AMO a, en moyenne et par personne couverte, augmenté d’un peu plus d’un euro par mois », note l’HCAAM qui considère que cette description ne permet cependant pas d’établir un diagnostic pertinent sur le fonctionnement du système de prise en charge. Elle estime à cet égard que « le système d’assurance maladie obligatoire, dont les recettes reposent sur des prélèvements indépendants des risques, assure une très puissante réduction de la dispersion des coûts de santé supportés par les personnes. » L’Assurance Maladie Obligatoire permet ainsi de mutualiser les coûts entre les différentes classes d’âge « tout en laissant subsister, aux âges élevés, un reste à charge moyen relativement important que l’AMC contribue à mutualiser ». Au total, l’étude permet de démontrer « l’effet important de l’intervention de l’assurance maladie complémentaire en matière de réduction des restes à charge par âge, déjà fortement aplanis par l’intervention de l’assurance maladie obligatoire ».
Par ailleurs, l’HCAAM rappelle que l’AMO concentre ses efforts sur les personnes qui supportent les coûts les plus élevés. A la concentration des dépenses de soins comme des dépenses remboursées par l’AMO (Assurance Maladie Obligatoire) et l’AMC (Assurance Maladie Complémentaire) sur un petit nombre de personnes, s’ajoutent d’autres phénomènes connus, qui tiennent à ce que les dépenses de soins les plus lourdes (dépenses hospitalières, médicaments « de spécialité » à 100 %, dépenses de soins d’ALD, dépenses médico-sociales…) sont fréquemment remboursées à un taux élevé.
Sur la base de ces différents indicateurs de mesure de la couverture des soins maladie, le Haut Conseil avance qu’il n’existe, de manière générale, qu’une faible corrélation entre, d’une part, le taux de remboursement et d’autre part la dépense de soins et le reste à charge. « Ce constat d’une absence de liaison forte entre le taux de couverture de la dépense et le montant de la dépense ou le reste à charge peut se mesurer de manière objective sur les soins de ville ». Il conclut qu’il n’est pas possible de s’en tenir au taux de couverture (qu’il s’agisse du taux global de 75,5 % de couverture des dépenses de soins par l’AMO, du taux moyen de couverture des « soins courants », ou d’autres taux généraux) pour porter un diagnostic complet sur le système de prise en charge des dépenses. « Toutes ces considérations montrent qu’une grande vigilance est nécessaire lorsqu’on se fixe pour objectif d’approcher, autant que possible, une description du système tel qu’il fonctionne concrètement pour les personnes ».
Le HCAAM invite à la plus extrême prudence et vigilance dans la mesure de l’accessibilité financière des soins par l’analyse des restes à charges des assurés sociaux. « La contrainte financière met aujourd’hui sous tension la pérennité de notre système de solidarité, conclut le Haut Conseil. On n’y répondra que par un travail obstiné d’optimisation de la dépense, pour "bien" couvrir les "bons" soins ».
Sources : (1) « L’accessibilité financière des soins : comment la mesurer ? Avis. », Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, 2011.
(2) « La complémentaire santé en France en 2008 : une large diffusion mais des inégalités d’accès », Questions d’économie de la santé, n°161, janvier 2011, Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES)
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